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mardi 3 février 2009

Tillbaka

La Suède c'est fini! Fin de contrat oblige, je remet le cap vers la France (ou le Luxembourg). Cela me parut bien court, un an à peine, pas de quoi découvrir toutes les merveilles de ce pays. J'en retiendrais quand même certaines choses:

  • La tvättstuga (buanderie collective gratuite et libre d'accès pour les locataires) est extrêmement pratique (sauf quand on n'en a pas!), et devrait être généralisée partout en France, même si c'est la mort du lavomatic.
  • Le marché de l'immobilier est extrêmement régulé (on ne peut même pas louer à but lucratif). Le résultat est une application de la microéconomie de base dans ce domaine: une pénurie grave d'appartements et de maisons à louer, et des files d'attente de plusieurs années dans certains cas. C'est un exemple à méditer pour ceux qui, à gauche, militent pour plus de régulation de ce marché en France.
  • L'ouverture d'esprit et l'esprit d'accueil qui règne en Suède est incroyablement rafraîchissant. Le fait d'avoir vécu dans une ville étudiante accueillant beaucoup d'étudiants étrangers a renforcé pour moi cette impression. Il existe bien entendu un parti xénophobe, qui ne dépasse (pour l'instant) pas plus de 3% aux élections. Il faut aussi noter l'existence d'une frange néo-nazie, confinée à rien politiquement, mais s'étant déjà illustrée dans des actions violentes. La Suède est sur le point d'adopter le mariage homosexuel, l'Eglise de Suède ayant par ailleurs annoncé qu'elle y était favorable.
  • Je ne sais pas si la Suède a la palme du recyclage de déchets mais elle va loin: j'avais douze poubelles différentes pour y disperser ma "production" quotidienne.
  • La langue suédoise est charmante, assez simple en matière de grammaire, et elle a même l'amusante propriété d'avoir fusionné les genres masculins et féminins (mais il y a quand même un genre neutre comme en allemand). Mais je ne saurais sans doute jamais en quoi le "y" se distingue du "u". C'est très clair pour tout le monde, là-bas, apparemment, mais pas pour moi.

Il y a sans doute pleins de choses à dire encore sur les particularités culturelles (les dansband par exemple) mais il se fait tard, et demain, comme tout français, je parlerais de Sarkozy, de Sarkozy et peut-être un peu de Sarkozy.

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vendredi 14 novembre 2008

Un anniversaire qui fait un carton

Après dix mois maintenant au pays d’ABBA, il serait temps que je parle de la Suède. Ces derniers temps il s’y passe des choses intéressantes.

Une petite polémique a éclos ici cette année, qui met en scène une école du voisinage, polémique qui éclaire l’attachement des suédois à la notion d’égalité et d'inclusion dans la société.

En début d’année un élève de primaire d’une école pas loin de chez moi a décidé d’inviter ses camarades à un gouter d’anniversaire. Pour cela, il a distribué des cartons d’invitations à tous les membres de sa classe. Tous ? Non, deux élèves se retrouvèrent sans petit carton et de fait exclus de la petite fête. Voyant cela, l’instituteur décida de confisquer toutes les invitations.

Cette façon de régler l’affaire a plutôt ému le père de l’élève, qui en a appelé à l’Ombudsman du Parlement suédois, équivalent approximatif du Médiateur de la République français. L’un des élèves exclu, disait-il, n’avait pas invité son fils à son propre goûter d’anniversaire, et l’autre le martyrisait depuis six mois. Si on peut sourire au premier prétexte, l’autre est très compréhensible.

L’école a défendu l’instituteur, précisant qu’elle possède une règle non écrite disant que de telles invitations peuvent être données soit à l’ensemble des élèves de la classe, soit à toutes les filles, soit à tous les garçons, mais qu’exclure deux camarades de classe arbitrairement n’est pas admissible. On peut s’interroger d’ailleurs sur le sens d’un règlement qui autorise une discrimination sexuelle, mais pas un choix arbitraire qui reposerait sur les affinités de l’élève avec les camarades en question.

Le débat a fait surface au niveau national. Le Folkpartiet Liberalerna, parti populaire et libéral, faisant partie de la coalition de droite au pouvoir, s’est exprimé en faveur de l’instituteur. Un sondage a montré que les suédois restaient divisés sur la question : 56% d’entre eux reconnaissaient le droit de l’enfant d’inviter qui il voulait à sa fête, 44% soutenaient l’instituteur.

Toute la polémique respose sur une question plutôt intéressante sur la liberté de l’enfant, le respect de sa propriété, contre la nécessité d’éviter qu’un élève soit exclu par ses camarades. On peut trouver légitime qu’on intervienne pour qu’un enfant ne soit pas rejeté des jeux de la cour de récréation, s’il se retrouve tout seul dans un coin pendant que ses camarades jouent entre eux. On a tous été témoins à l’école d’une forme d’exclusion d’élèves « impopulaires ». Mais n’est-ce pas aller trop loin que d’empêcher un enfant de choisir les camarades avec qui il a envie de partager son anniversaire ? Et s’il faut protéger les droits des enfants, quid de celui de la propriété privée que constituaient ses invitations ? Au pays de Voltaire ou les enseignants confisquent sans problème les affaires des élèves si ceux-ci perturbent les cours, et où on pratique les punitions collectives, ces questions ne se posent pas. Mais en Suède, les enfants ont des droits, et ont un recours possible à un Ombudsman spécialisé, le barnombudsmannen, ou ombudsman des enfants.

C’est sur le terrain du respect de la propriété que l’Ombudsman a fini par trancher ces derniers jours : non, l’instituteur avait tort de confisquer des invitations qui ne lui appartenaient pas, et contre la volonté des élèves. L’école n’a pas été sanctionnée, mais le principe est posé.

Je trouve cette décision, malgré l’objection louable d’une protection des élèves impopulaires contre l’exclusion, est la plus approprié. Il est des affaires privées dans lequel l’état ou l’école ne devrait pas s’infiltrer. Et on ne peut pas forcer de cette manière l’intégration d’un élève en l’imposant à ceux qui le rejettent, cela a toutes les chances d’être contre-productif. L’inclusion de l’élève se fait à travers son inclusion dans les jeux scolaires, dans un travail difficile d’éducation et de règlement des conflits. La confiscation des cartons d’anniversaire n’était qu’une solution spectaculaire qui ne réglait pas le fond du problème.

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