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samedi 6 juin 2009

Autres scrutins en Europe: les législatives au Luxembourg

Au Luxembourg, les panneaux électoraux ont fleuri au coin des rues depuis quelques semaines. Le grand-duché est une de ces monarchies constitutionnelles à l'européenne, où le souverain a des pouvoirs réduits, et où le législatif aux mains d'un parlement (ici la Chambre des Députés), et l'exécutif est aux mains d'un gouvernement, lequel est le plus souvent de la même couleur politique que le parti dominant à la Chambre, et est responsable devant ce dernier. Ces élections législatives sont donc les plus importantes du Luxembourg.

Les 60 députés qui composent la Chambre vont donc être choisis ce dimanche, par l'ensemble des électeurs luxembourgeois, parce que le vote, au Luxembourg, est obligatoire, et l'abstention punie d'une amende. En théorie, parce qu'en pratique, aucun électeur oublieux n'a jamais eu à payer le prix de sa distraction. Le vote est à la proportionnelle dans 4 circonscriptions, et c'est le CSV qui va gagner. Quoi, je déflore le suspens? Il faut avouer que je n'ai pas trouvé de sondage, mais le parti démocrate-chrétien de Jean-Claude Junker domine la vie politique luxembourgeoise depuis la seconde guerre mondiale, et il est peu raisonnable de penser que cela va changer à nouveau. Il devra cependant sans doute reconduire sa coalition avec le LSAP (en français Parti Ouvrier Socialiste Luxembourgeois) car le scrutin à la proportionnelle et l'éclatement des partis ne permet en général pas de gouverner seul.

Les autres acteurs de l'élection seront le Parti Démocratique, d'obédience libérale, les Verts, aussi verts qu'ailleurs en Europe, et le populiste Parti Réformiste d'Alternative Démocratique, qui, parti de la seule revendication d'une égalité des retraites entre fonctionnaires et salariés, essaye de murir en parti conservateur classique. L'extrême-gauche est divisée et elle ne devrait pas avoir de représentation au parlement.

Que dire de plus? La campagne a été morne et les partis n'ont pas fait salle comble à leurs meetings. Le peu d'enjeu dû à la victoire quasi certaine du CSV doit y être pour quelque chose ...

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vendredi 5 juin 2009

Autres scrutins en Europe: le référendum sur la succession royale au Danemark

Il n'y a pas que les élections européennes ce week-end. Deux pays de l'Union en profitent pour organiser un autre scrutin en même temps: le Luxembourg et le Danemark. Dans le cadre de notre grande série "on vote en Europe", je vais consacrer un billet à chacun de ces évènements.

Au Danemark, va se tenir un référendum sur les règles de succession sur le trône du pays. Le sujet de prime abord ne parait pas important: il s'agit de décider si on va passer d'un système de "primogéniture masculine" (où les frères sont prioritaires sur les sœurs, et où l'ainé d'une fratrie est prioritaire sur le cadet), à un système de "primogéniture égale", où l'ainé d'une famille accèderait au trône, quelque soit son sexe. Comme dans la plupart des monarchies européennes modernes, le roi ou la reine du Danemark n'a que peu de pouvoir réel, le législatif étant l'apanage du parlement, et l'exécutif celui du premier ministre et de son gouvernement, ce référendum ne devrait pas bouleverser la politique danoise. Qui plus est, si cette modification est adoptée, elle n'aurait pas d'effet avant longtemps, car il n'y a pas de femmes actuellement en position pour succéder à la reine Marguerite II.

Comme pour d'autres scrutins en apparence inutile, cependant, il est intéressant de voir comment les choses se passent.

Ainsi, il s'agit d'un changement des règles de succession, qui sont indépendantes de la constitution danoise. Cependant ce genre de changement passe par les même règles que les changements de la constitution: la loi doit d'abord être adoptée par le parlement, puis une seconde fois par le parlement issu de l'élection suivante, et seulement alors les électeurs sont appelés à se prononcer par référendum. A ce moment-là, il est requit à la fois une majorité des votants, mais aussi 40% du corps électoral entier se soit prononcé pour le "ja " pour que la modification soit adoptée.

Les deux passages devant les députés danois ont été une formalité, seul un petit parti de gauche (Enhedslisten, alliance vert-rouge) s'étant abstenu à cause de son opposition au principe même de la monarchie. Le critère des 40% risque cependant d'être un sacré obstacle, l'abstention étant annoncée comme massive ce week-end. Les sondages (par exemple celui-ci) indiquent que 74% des danois sont favorables à la modification, ce qui exigerait une participation de 54% [1] environ pour passer de justesse, au-dessus de la participation du dernier scrutin européen au Danemark (47%), et largement au-delà de la participation estimée pour 2008 (36%).

Notes

[1] pour avoir 40% de oui, sachant que 74% des gens voteraient "oui" s'ils votaient, il faudrait que 54% d'entre eux votent, parce que 0.74*0.54, ça fait environ 0,40. Bien sûr ça suppose que les gens se déplacent pour voter dans les mêmes proportions qu'ils soient pour le "ja" ou le "nej".

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vendredi 20 mars 2009

Présidentielles en Slovaquie

En cette année d'élections européennes, je vais commencer à m'intéresser aux élections chez nos voisins européens. J'ai déjà commencé en décembre dernier avec les élections générales en Roumanie.

Demain, c'est l'élection présidentielle en Slovaquie. L'enjeu de cet élection n'est pas bien grand: la Slovaquie est une démocratie parlementaire, le rôle du président est surtout cérémoniel [1], et le pouvoir exécutif est exercé par le premier ministre, depuis 2006 le social-démocrate Robert Fico. La campagne a été plutôt morne, et donc les gens ne devraient pas se bousculer aux bureaux de vote. Il est pourtant intéressant de ce pencher sur ce pays de l'Union Européenne, qui vient juste de passer à l'Euro.

Les principales forces en présences pour cette élection seront:

  • Ivan Gašparovič, le sortant. Il est tout à la fois l'un des principaux auteurs de la constitution démocratique slovaque adoptée après la séparation avec la République Tchèque en 1993 et l'une des figures de l'administration controversée de l'ancien premier ministre Vladimír Mečiar, administration blâmée pour sa corruption, son style autocratique, son manque de considération pour la démocratie et ses scandales, qui finit par fâcher l'Europe occidentale et retarda les négociations d'adhésion de la Slovaquie à l'Union Européenne et à l'OTAN. Néanmoins en 2004, Gašparovič se présenta contre Mečiar aux élections présidentielles et se retrouva de justesse au second tour contre celui-ci. Vu comme le moindre des deux maux par les opposants de Mečiar, il fut élu président largement. Depuis, son style de présidence apaisé et évitant les confrontations lui vaut une grande popularité, et il est en tête des sondages pour être réélu. Il est soutenu par la coalition au pouvoir, constituée de sociaux-démocrates et de nationalistes.
  • Iveta Radičová, candidate du SDKÚ-DS (démocratie chrétienne) et du SMK (parti de la Coalition Hongroise) et ancienne ministre du travail.
  • František Mikloško, candidat du KDS (conservateurs), député du parlement slovaque depuis la Révolution.
  • Zuzana Martináková, ancienne journaliste et leader du Forum Libre, dissidence des démocrates chrétiens.

L'élection présidentielle slovaque est un scrutin à deux tours. Si le candidat en tête ne reçoit pas des voix de plus de 50% des électeurs inscrits, il y aura lieu à un second tour, avec les deux candidats arrivés en tête.

Étant donné le faible intérêt de cette élection, on peut se demander pourquoi on dérange le peuple pour ça, et pourquoi le président n'est pas élu par le Parlement, comme dans la plupart des autres démocraties parlementaires. C'était effectivement le cas jusqu'en 1998, où le Parlement s'avéra incapable de s'entendre sur le nom d'un Président. Après plus d'une année de blocage, on amenda la Constitution pour que le président soit élu par le peuple pour cinq ans.

Enfin, les sondages ne sont pas faciles à trouver en français, mais celui-ci donne une idée de la situation, avec Gašparovič et Radičová largement favoris pour participer à un probable second tour. L'inconnue reste l'abstention, qui risque d'être forte, étant donné la campagne terne et l'absence d'enjeu.

Notes

[1] Il possède cependant quelques prérogatives, détaillées dans cet article sur le site de Radio Slovakia International

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lundi 1 décembre 2008

Election en Roumanie

Les médias en ont peu parlé, mais ce dimanche, la Roumanie s’est déplacée pour élire son Parlement et son Sénat. Les résultats (pdf), après comptage de la quasi-totalité des scrutins, n’ont donné aucun vainqueur clair, mais on peut déjà faire plusieurs observations:

  • Cette élection étrenne le nouveau système électoral, auparavant proportionnel, qui a été modifié en janvier, après qu’un référendum sur le passage à un système uninominal ait été annulé, par faute de votants en septembre 2007. Considéré comme un mélange de scrutin uninominal et de proportionnelle, le nouveau système est surtout devenu incompréhensible. J’ai essayé de trouver comment l’expliquer, mais ce n’est franchement pas évident. C’est aussi l’avis de Susanne Kastner, vice-présidente du Bundestag, qui n’est pourtant pas élu de la manière la plus simple lui-même.
    Le passage à un scrutin uninominal, alors que la tendance mondiale est plutôt vers la proportionnelle, était supposé rendre les élus plus responsables devant les électeurs, dans un pays où la classe politique est largement corrompue. Mais le mode de scrutin n’est qu’uninominal en apparence et reste proportionnel de fait. On peut donc se demander si l’opacité du système n’est pas surtout une manière d’assurer la continuité des pratiques politiciennes.
  • La participation a été extrêmement faible, à 39,26%. Outre le caractère compliqué du scrutin, des considérations comme le week-end prolongé (le lendemain du jour de scrutin est le jour de la Fête Nationale, les gens sont partis en week-end, et il n'était possible de voter que dans son lieu de résidence) et un débat politique consternant (comme ce sénateur et cette députée qui se jettent des verres d’eau à la figure à la télévision) n’ont pas vraiment incité les gens à se rendre aux urnes pour donner leur voix à des politiciens qu’ils considèrent soit corrompus soit incompétents.
  • La faible participation n’a cependant pas profité au principal parti extrémiste, le PRM de Vadim Tudor, qui, passant de 13% des voix à 3%, disparait du Parlement. On se souvient qu’en 2000, Tudor était arrivé au second tour de l’élection présidentielle, et ne fut battu par l’ancien communiste Illiescu que parce que l’ensemble de la classe politique s’était rallié à ce dernier. Ça rappellera quelque chose en France. Le parti de la Grande Roumanie avait depuis renié certaines de ses convictions antisémites, sans grand succès électoral apparemment. Plusieurs cadres ont également déserté le parti pour rejoindre les partis modérés. Peut-être que l’adhésion à l’Union Européenne, maintenant acquise, a rendu les idées nationalistes moins percutantes.

Enfin, les résultats. Aucun parti ne gagne vraiment. Le PSD, qui représente la gauche à lui seul[1], recule un peu, de 37% à 33% ; le PD-L, parti de centre-droit du président Băsescu, fait presque jeu égal en terme de voix à 32% (mais il reste à voir comment cela sera en terme de nombre de députés). Le PNL, parti centriste qui dirige l’actuel gouvernement minoritaire, n’a fait que 18%. Le dernier parti à avoir dépassé les 5% permettant d’avoir des parlementaires est l’UDMR, parti représentant la minorité hongroise, avec 6,3%, un score stable.

La suite est difficile à deviner. Le PSD, arrivé en tête, a hier soir (quand des sondages un peu erronés sortis des urnes lui donnaient plutôt 36% contre 30% pour le PD-L), clamé sa victoire. Mais Băsescu est celui qui décidera qui sera le premier ministre, et le chef de son parti a clamé la victoire de la droite, ce qui peut être interprété comme une volonté de reformer l’alliance de 2004 avec le PNL, mais avec cette fois un membre du PD-L comme chef de gouvernement. Les négociations en vue de la formation d'un gouvernement auraient déjà commencé. Mais tout cela est peut-être provisoire en attendant l'élection présidentielle de la fin 2009.

Notes

[1] Mais les concepts de gauche et de droite sont moins importants ici, pour preuve l'alliance lors de cette élection entre le PSD et le petit Parti Conservateur

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